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Madagascar- Filière vanille : Vers une surrégulation du marché?

February 18, 2020

Présente dans les parfums des éminents créateurs issus des maisons les plus prestigieuses du monde, adulée des grands chefs internationaux, il est inconcevable pour les spécialistes d’arômes et parfums de passer outre la gousse précieuse pour leurs créations les plus innovantes mais également pour leurs grands classiques.

Beaucoup ont tenté de la maîtriser en l’imitant, tels que les adeptes de la vanille de synthèse, certains se sont aventurés à la cultiver dans un environnement géographique qui n’est pas sienne sans parvenir aux mêmes notes aromatiques.

Les « façonniers » de cet épice la qualifieront de capricieuse de par le travail titanesque qu’elle requiert : depuis la pollinisation manuelle, la collecte de la verte, l’échaudage, l’étuvage, le triage…. La vanille nécessite un processus bien scolaire que peu dominent : « Elle a besoin de beaucoup d’amour » vous diront les transformateurs.

Victime de son succès, son commerce entraine une hausse exponentielle de la demande, qui pousseront certains à spéculer sur sa valeur. Conséquence prévisible de cet engouement, les collecteurs la cueilleront prématurément, portant ainsi atteinte à la qualité de la gousse qui n’aura que faiblement atteint ses arômes. Parfois trop humides, elles seront mises sous vide pour finir par moisir rapidement, ternissant la réputation du label "Vanille de Madagascar" .

 

Les balbutiements d’une régulation

Source de devises à hauteur de 6,8% de la richesse nationale, 30% de la valeur des exportations en 2018, la vanille constitue un apport non négligeable de l’accroissement de l’économie de malgache. On dénombre mille six-cent (1600) tonnes de gousses exportées pour l’année 2016, contre mille-huit cent (1800) tonnes en 2018 (source MICA), un accroissement axiomatique.

Par un arrêté ministériel N° 35-255/2013 du 6 décembre 2013 portant règlementation des conditions générales de commercialisation de la vanille, le Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’artisanat se veut gardien des écarts qui portent atteinte à la réputation de la vanille.

 

Des Conditions stricto sensu

Le modus operandi de cet arrêté ministériel consiste à un trier au volet les opérateurs économiques autorisés à exporter de la vanille. Une liste non exhaustive de documents est à soumettre auprès dudit ministère, notamment les documents relatifs à la société demanderesse, un contrôle du magasin de stockage sanctionné par la délivrance du Certificat de Contrôle de Conditionnement et d’origine, la régularité de la fiscalité de l’entreprise et le rapatriement de devises minutieusement contrôlé par le département des finances extérieures.

 

Des Conditions lato sensu

La délivrance de l’agrément d’exportateur reste soumise au pouvoir discrétionnaire du Ministère, qui peut écarter un opérateur, sans obligation a posteriori de motiver son refus. Avant 2020, aucune condition financière ne figurait dans la liste des pièces à fournir, mais elle demeurait implicitement due au risque de se voir exclu d’office du marché où la concurrence avec les opérateurs étrangers reste omniprésente.

 

 
L’émergence d’avenants en cours de campagne, régulation ou entrave à l’entreprenariat ?

 

Dans un contexte d’excès de stock de la campagne 2018, et de la quasi-absence d’exportation pour la campagne 2019-2020, le marché vacille.

Une absence d’exportation résultant de l’abstention européenne, sans doute une manœuvre en vue de faire baisser les prix à la source devenus faramineux pour un épice.

 

Des conditions pécuniaires

Le ministère du commerce met fin aux non-dits des conditions pécuniaires à l’obtention d’agrément et impose une caution de 50 millions d’Ariary soit à peu près 15 000 USD afin de garantir la solvabilité des opérateurs auprès de l’administration fiscale selon le quotidien national Midi Madagasikara en date du 17 février 2020. Une mesure qui affecte plus les acteurs nationaux de la vanille.

Dissocier les vrais opérateurs des faux, tel est le motif soulevé pour justifier le recours à cette sureté. Une mesure qui à défaut de réguler le marché, l’entrave, limitant ainsi l’accès à ce commerce vraisemblablement porteur de devises et de rehausse de l’économie nationale à quelques avérés au dépends d'une centaine d’opérateurs agrémentés.

           

Taxation surprise

Outre cet aménagement, une taxe de 5 pour 1000 de la valeur des marchandises est venue conditionner la délivrance du CCCO (Certificat de Contrôle du Conditionnement et d'Origine) , ultérieurement au début de campagne. Elle a échoué suite à l’action conjointe des groupements d’exportateurs de vanille de Madagascar et le groupement professionnel des exportateurs Sambava (respectivement GEVM et GPES).

 

Fermeture prématurée de campagne

Une fermeture prématurée de l’exportation sans déclaration préalable de stock a été avortée en février 2020, pour finalement être reportée en fin mai 2020, afin de laisser place à la cueillette de la verte. Quid de la pertinence de cette contrainte temporelle alors que les stocks des précédentes campagnes ne sont pas liquidés ?

 

Il est inéluctable de constater, au terme de cette analyse, que les opérateurs de vanille à Madagascar ne sont pas exclusivement des nationaux. Plusieurs multinationales étrangères assurent leur propre processus de production, multinationales qui ne rencontreront difficulté aucune, à fournir les cautions, qui ne verront pas de conséquence immédiate suite à la fermeture prématurée de campagne et pour qui, une taxation sur le CCCO n’est pas significative.

La note positive, la baisse des prix qui annonce le retour de Madagascar dans la concurrence face à l’Indonésie, la Papouasie et l’Ouganda car le critère « qualité » ne pouvait plus justifier à lui seul le prix inexorablement indécent.

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